Avignon Off : Rire et pleurer accoudé au bar
Françoise Baré
Publié le vendredi 14 juillet 2017
Le spectacle arrive sans le savoir. Cela se passe à "Mon Bar", un café, dirions-nous en Belgique. Le zinc est un zinc pur jus, le bois qui le supporte marqueté année 30. De vieilles affiches d'apéritifs anisés sont accrochées au mur jaunes et brillants, des verres que l'on ne fait plus trônent sur une étagère et les bouteilles exposées en lieu et place d'une carte. Il ya même des cartons pour déposer le demi ou le ballon de jaja. Vous voyez bien cette ambiance, vous la sentez, tout donne envie de s'y asseoir et d'y refaire le monde.
Marcel (On ne le sait qu'à l'issue) entre, valise de carton à la main, costume rayé, croisé, façon borsalino qui a vécu. Il appelle le patron. Celui-ci, pour la cause, se cache dans l'arrière salle, stupéfaction des tablées. C'est qui ce type qui vocifère, s'agite, réclame son verre, et nous dit que ce patron, décidément, n'est jamais là pour servir les clients. Alors, il se sert passant les bras derrière le bar, du faux whisky, il interpelle les clients, c'est à dire nous. On hésite, on se regarde et puis on l'écoute, il accroche l'oreille, le regard et le cœur. Tout le monde se détend.
Avignon Off : Marcel Le Guilloux se la fait Toutauzinc, c'est dans un vrai bar, au "Mon Bar" qu'il pratique un théâtre de proximité, mine de rien, au milieu de vrais consommateurs interloqués. "Au bout du comptoir, la mer !" de Serge Valetti est une pépite de poésie et de rire gris jamais gras.
Le spectacle arrive sans le savoir. La poésie opère.
Est-il vrai cet homme… Est-il comédie ? On s'en moque au final, on entre dans le récit de M. Stephan, le mythomane présentateur de spectacles qui sort du casino. Minable. Il joue. Il prend place à vos côtés. Il disserte sur la vie des artistes de music-hall déchus, paumés, ignorés. Ceux qui au crépuscule d'une vie de bohème sont seuls avec des souvenirs de soirées où tout le monde crie et boit sans regarder le comédien sur les planches. On pense en clin d'oeil alors à Luis Rego dans "Les Bronzés". Des souvenirs de Viviane de Muynck dans "La poursuite du vent" mise en scène de Jan Lauwers reviennent.
Marcel Le Guilloux est magnifique. Attachant. Au bout, on ne sait mais l'on ressent le moment d'applaudir et les passants hors du café s'arrêtent. Les spectateurs involontaires du café saluent cette performance d'acteur de proximité façon "La Jurassienne de réparation", façon les 26.000 couverts.
Nous buvons avec lui sur ses souvenirs médiocres, on trinque à la vie qui va, à ses succès qui n'arriveront jamais. Des portraits au cordeau.
"Le comptoir est le parlement du peuple" écrit Voltaire. "Au bout du comptoir, la mer !" C'est superbe tout simplement.
Toutauzinc de Marcel Le Guilloux, au festival Off d'Avignon.
Jusqu'au 30 juillet à "Mon Bar" 15, Rue Portail Matheron
Françoise Baré
Publié le vendredi 14 juillet 2017
Le spectacle arrive sans le savoir. Cela se passe à "Mon Bar", un café, dirions-nous en Belgique. Le zinc est un zinc pur jus, le bois qui le supporte marqueté année 30. De vieilles affiches d'apéritifs anisés sont accrochées au mur jaunes et brillants, des verres que l'on ne fait plus trônent sur une étagère et les bouteilles exposées en lieu et place d'une carte. Il ya même des cartons pour déposer le demi ou le ballon de jaja. Vous voyez bien cette ambiance, vous la sentez, tout donne envie de s'y asseoir et d'y refaire le monde.
Marcel (On ne le sait qu'à l'issue) entre, valise de carton à la main, costume rayé, croisé, façon borsalino qui a vécu. Il appelle le patron. Celui-ci, pour la cause, se cache dans l'arrière salle, stupéfaction des tablées. C'est qui ce type qui vocifère, s'agite, réclame son verre, et nous dit que ce patron, décidément, n'est jamais là pour servir les clients. Alors, il se sert passant les bras derrière le bar, du faux whisky, il interpelle les clients, c'est à dire nous. On hésite, on se regarde et puis on l'écoute, il accroche l'oreille, le regard et le cœur. Tout le monde se détend.
Avignon Off : Marcel Le Guilloux se la fait Toutauzinc, c'est dans un vrai bar, au "Mon Bar" qu'il pratique un théâtre de proximité, mine de rien, au milieu de vrais consommateurs interloqués. "Au bout du comptoir, la mer !" de Serge Valetti est une pépite de poésie et de rire gris jamais gras.
Le spectacle arrive sans le savoir. La poésie opère.
Est-il vrai cet homme… Est-il comédie ? On s'en moque au final, on entre dans le récit de M. Stephan, le mythomane présentateur de spectacles qui sort du casino. Minable. Il joue. Il prend place à vos côtés. Il disserte sur la vie des artistes de music-hall déchus, paumés, ignorés. Ceux qui au crépuscule d'une vie de bohème sont seuls avec des souvenirs de soirées où tout le monde crie et boit sans regarder le comédien sur les planches. On pense en clin d'oeil alors à Luis Rego dans "Les Bronzés". Des souvenirs de Viviane de Muynck dans "La poursuite du vent" mise en scène de Jan Lauwers reviennent.
Marcel Le Guilloux est magnifique. Attachant. Au bout, on ne sait mais l'on ressent le moment d'applaudir et les passants hors du café s'arrêtent. Les spectateurs involontaires du café saluent cette performance d'acteur de proximité façon "La Jurassienne de réparation", façon les 26.000 couverts.
Nous buvons avec lui sur ses souvenirs médiocres, on trinque à la vie qui va, à ses succès qui n'arriveront jamais. Des portraits au cordeau.
"Le comptoir est le parlement du peuple" écrit Voltaire. "Au bout du comptoir, la mer !" C'est superbe tout simplement.
Toutauzinc de Marcel Le Guilloux, au festival Off d'Avignon.
Jusqu'au 30 juillet à "Mon Bar" 15, Rue Portail Matheron